Visibilité

1C’est jaune, c’est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie !

Voici quelques éléments à connaitre que nous avons tiré de publications spécialisées sur ce sujet (voir les références bibliographiques en fin d’article).

La perception des autres usagers

Les études menées ont démontré que le risque d’accident d’une moto était directement lié à la perception qu’en ont les autres usagers.

Les accidents les plus graves se produisent en zone urbaine où la vitesse est limitée à 50 Km/h (66%), le jour (63%) et par temps clair (72%): intersections, refus de priorité, …

 

Notre pire ennemi: le cerveau

Plus de la moitié de notre cerveau est dédié au traitement des images qu’il reçoit, non pas pour un stockage brut de fonderie (mode “raw” diront les spécialistes), mais pour analyse en temps-réel, reconstitution de l’image (ce que l’oeil transmet est très déformé et le cerveau doit redresser l’image reçue), des reliefs, des perspectives, mise en contexte et interprétation par rapport au stock immense accumulé depuis la naissance, mise en relation avec les autres sens, analyse en termes d’émotions (surtout pour les femmes), etc … Et tout ça en seulement quelques millièmes de seconde ! A titre de comparaison, l’ordinateur le plus puissant du monde n’est même pas capable de réaliser un millionième de milliardième de tout ça …

Alors, parfois, notre cerveau traduit mal la réalité ou l’adapte en fonction de réflexes de survie ou de présupposés, surtout quand il manque d’informations. Ce qui donne parfois d’étranges résultats, des illusions ou impressions d’avoir vu ou déjà vu telle ou telle chose, de faux témoignages “de bonne foi” dans les affaires criminelles, et pour les plus connus du grand public ce qu’on appelle les illusions d’optique. En voici quelques-unes présentées dans le cadre d’une démarche pédagogique pour vous amener à prendre conscience que trop souvent ces “illusions” mènent à des drames …

La visibilité, talon d’Achille de la moto

Le principe de la visibilité d’une moto et de son pilote est basé sur le contraste nécessaire avec la surface sur laquelle il évolue (route) et l’environnement dans lequel il évolue (paysage).

Toutes les études démontrent que le motocycliste est mal perçu par les autres usagers, particulièrement lorsque le trafic est dense et que l’espace visuel est complexe. Un constat courant fait par les conducteurs de véhicules impliqués dans un accident avec une moto est qu’ils ne l’ont pas vue et n’ont donc pas pu l’éviter. Dans la moitié des cas de ce type, un obstacle a gêné soit la preception de la moto soit l’analyze de la scène par le conducteur.

Une situation de circulation vue par un motard:
La même scène vue par un automobiliste:

Comme les motos sont moins visibles que les autres véhicules, elles sont difficiles à détecter et leur vitesse d’approche est plus délicate à estimer, ce qui contribue largement au nombre élevé d’accidents de motos. (Thomson 1980; Wulf 1989; RSC 1992).

Hancock (1990) a décrit deux facteurs majeurs qui expliquent l’échec des conducteurs à détecter les motos :

1 – l’évidence sensorielle: elle représente les qualités physiques du véhicule approchant et qui permettent de le distinguer du fond sur lequel il évolue

2 – l’évidence cognitive: elle représente le niveau avec lequel l’expérience ou les intentions de l’observateur (le conducteur) altèrent la prépondérence du véhicule approchant

Hancok conclut que les motos ont une faible évidence sensorielle (du fait de leur petite taille) mais qu’elles souffrent également d’une faible évidence cognitive (elles sont moins fréquentes que les voitures et sont donc moins « attendues » par l’observateur).

Le plus souvent un observateur identifie un objet sur des critères de taille, de forme, de couleur et de mouvement. A distance, une moto est perçue de la même manière qu’un piéton ou une bicyclette, sauf pour le critère de vitesse. Comme la perception de la taille est liée à l’appréciation de la distance et de la vitesse, la différence de vitesse entre une moto et les autres usagers de la route n’est bien souvent pas suffisante pour permettre à l’observateur de faire la différence entre eux à distance.

Ces facteurs ont été validés par Horswill & Helman (2001). Ils ont démontré qu’un conducteur attendant à une intersection pour s’insérer dans la circulation ou traverser la chaussée avait des difficultés à détecter une moto qui approchait. Les conducteurs estiment qu’une moto arrivant sur eux les croisera plus tard que si c’était une voiture, et ce pour une voiture et une moto roulant à vitesse identique et vues à la même distance.

Vision normale d’une scène habituelle de circulation vue par un piéton ou un motard:
Ce que voit (ou plutôt ne voit pas) un automobiliste:

Ceci est dû à la plus petite taille des motos qui semblent être plus loin et dont la vitesse d’approche est plus difficile à déterminer que pour une voiture. Et plus la moto approche de la voiture, plus le risque de se voir couper la route augmente, car le conducteur ne voit pas la proximité réelle de la moto.

La plus faible présence des motos sur la route est un facteur qui explique pourquoi les conducteurs d’autres véhicules les voient moins et ont ainsi tendance à violer leurs droits: la plupart des conducteurs n’anticipent pas la rencontre habituelle avec des motos dans le trafic. (NHTSA & MSF, 2000).

Hurt (1981) a démontré que les conducteurs impliqués dans des accidents avec les motos étaient le plus souvent ignorants de ce qu’était une moto. Brooks & Guppy (1990) ont démontré que les conducteurs qui sont également pilotes d’une moto ou qui ont dans leurs proches un motard sont moins souvent impliqués dans des accidents avec les motos. Ceci démontre que les conducteurs peuvent voir les motos à conditions qu’ils y soient mentalement préparés.

Quelles solutions existent ?

Les pilotes portant un vêtement réfléchissant ou fluorescent ont un risque d’accident grave plus faible de 37%, ce chiffre semblant progresser lorsque la luminosité ambiante baisse (pluie, brouillard, nuit).

Le port d’un casque blanc par rapport à un casque noir réduit le risque de 24%, ce chiffre passe à 19% avec un casque aux couleurs claires.

Rouler avec l’éclairage (code ou feu de route) réduit le risque de 27%.

Aucun facteur n’a pu être trouvé pour la couleur de la moto vue de face ou celle des vêtements du pilote: autrement dit, que votre moto soit blanche ou noire, que vos vêtement soient jaunes ou noirs n’a pas d’impact significatif sur la visibilité frontale qu’ont les autres véhicules, et donc le risque d’accident est identique.

Conclusion

Aucun facteur n’est à lui seul suffisant : c’est l’association du port d’un vêtement réflectorisant ou fluorescent, d’un casque blanc ou jaune et de l’allumage des feux de croisement qui réduit fortement le risque d’accident grave.

C’est vrai que d’un point de vue strictement esthétique ça n’est pas très élégant !

Exemples de blousons fluorescents

Peu importe la couleur du vêtement, ce qui compte c’est qu’il soit réflectorisant ou fluorescent. La couleur jaune améliore la perception du pilote lorsqu’il n’est plus sur la moto, notamment par faible luminosité et est très utilisée au Royaume-Uni.

On voit de plus en plus de motards qui portent un gilet jaune réflectorisant et un casque jaune : les mentalités évoluent !

Bibliographie

Motorcycle rider conspicuity and crash related injury : case-control study (Connor, Roy Lay-Yee and Rod Jackson, Susan Wells, Bernadette Mullin, Robyn Norton, John Langley, Jennie, 23 janvier 2004)

A Literature Review on Motorcycle Collisions – Final Report (B. Huang and J. Preston, Transport Studies Unit, Oxford University, April 2004)

Prevention of motorcycle accidents at junctions (Etude européenne publiée le 24 juin 1997)

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